“J’y connais rien en Martin Scorsese” : voilà LE film à voir pour bien commencer
Si vous n'avez jamais vu aucun film de Martin Scorsese, par où commencer ? Voici mon conseil pour découvrir l'univers du réalisateur des "Affranchis" et de "Raging Bull".
Si vous avez vu au cinéma Killers of the Flower Moon et que c’était votre premier film de Martin Scorsese, si vous n’avez finalement jamais donné sa chance à ce cinéaste ou que vous pensez que ses films ne sont pas pour vous, je vais essayer de vous convaincre de commencer sa filmographie avec un long métrage que je considère comme son meilleur pour mettre le pied dans son univers : Les Infiltrés, sorti en novembre 2006.
Si vous voulez plutôt commencer par le meilleur Scorsese selon les spectateurs, c’est lui !
Les Infiltrés
Sortie :
29 novembre 2006
|
2h 30min
De
Martin Scorsese
Avec
Leonardo DiCaprio,
Matt Damon,
Jack Nicholson
Presse
4,0
Spectateurs
4,2
Streaming
Le jeune flic Billy Costigan (Leonardo DiCaprio), issu des bas quartiers de Boston, infiltre le gang du parrain de la pègre irlandaise Frank Costello (Jack Nicholson). En parallèle, Colin Sullivan (Matt Damon), membre d’une unité spécialisée de la police chargée d’éliminer Costello, travaille en secret pour le parrain. Mais lorsque ce dernier comprend que son gang est infiltré, il demande à Colin de trouver la taupe et Billy doit redoubler de prudence…
D’abord, je me débarrasse du cliché : OUI c’est très bien joué, le casting est incroyable, bien dirigé, et Jack Nicholson a bossé son personnage (ce qui dans ces années-là, relevait de l’exploit). Ça, vous vous y habituerez vite : Scorsese sait ce qu’il veut de ses acteurs ET être à l’écoute de leurs propositions.
Mais pourquoi est-ce que je trouve que c’est le meilleur film de Scorsese pour commencer à découvrir son cinéma ? Peut-être parce qu’il s’agit d’un thriller, genre dans lequel le réalisateur a excellé au cours des années, mais qui comporte moins de fascination pour la pègre qu’un Affranchis ou un Casino. On y retrouve en revanche la violence froide et impitoyable habituelle de tout son cinéma et si elle passe pour vous dans Les Infiltrés, elle passera dans tous ses films suivants.
Ensuite, parce que je n’avais jamais vu Scorsese s’amuser autant visuellement. On peut par exemple voir à maintes reprises la présence dans le champ d’un “X” dans le décor, indiquant que les personnages sont “marqués” (comme par le destin, précédemment cité). Un motif que le cinéaste cinéphile emprunte au Scarface d’Howard Hawks, qui l’employait déjà.
C’est aussi un film d’un cynisme et d’une noirceur qui tranchent avec les autres longs métrages de Scorsese. Contrairement à ses autres polars où les méchants sont immédiatement identifiables, Les Infiltrés contient son lot de révélations, et plonge le spectateur dans toute la complexité humaine, en floutant les limites du Bien et du Mal, souvent trop délimitées, notamment dans le cinéma américain. Et qu’est-ce que ça fait du bien !
Chez Scorsese, la noirceur est souvent contrebalancée par la lumière apportée par la religion ou le glaive du destin. C’est ce dernier qui frappe plutôt dans Les Infiltrés, mais je ne vous gâcherai pas l’intrigue du film.
Les Infiltrés questionne la notion même de moralité, dans un monde où loyautés et trahisons s’entremêlent, avec des protagonistes passant de l’une à l’autre avec une absence de morale ou de culpabilité assez perturbante, mais rendant son univers crédible et réaliste (malgré une violence peut-être un peu trop exacerbée).
J’aime aussi que ce réalisme passe par l’absence de voix-off, pourtant caractéristique des polars de Scorsese, et tant mieux : elle vous permettra de mieux rentrer dans cette intrigue un peu dense.
Car oui, certains critiques ont reproché au film d’avoir trop de sous-intrigues : je ne suis pas d’accord. La complexité ajoutée à un scénario somme toute assez simple permet justement de donner la profondeur nécessaire à ne pas livrer un énième film d’infiltration sans relief et donne du corps aux personnages, permettant que l’on pense les connaître avant qu’ils ne nous déçoivent ou nous surprennent.
Ce qui intéresse Scorsese avant tout, ce sont les trajectoires de personnages, peu importe que le sujet de départ soit résumable sur un ticket de métro. Au contraire : comment dépasser un genre balisé ? Comment faire un biopic en se démarquant : opter pour le noir et blanc (Raging Bull). Comment retranscrire le trouble d’une période : à travers les yeux d’un homme qui bascule (Taxi Driver) et comment raconter un film d’infiltration autrement : en lui donnant plusieurs niveaux de compréhension.
Ce sont tous ces éléments qui font des Infiltrés, pour moi, le meilleur Scorsese à découvrir pour débuter dans sa large et grandiose filmographie.