Nanni Moretti : “Quand j’ai vu que Scorsese faisait un film pour Netflix, j’en ai éprouvé de la souffrance”

Rencontre avec Nanni Moretti à l'occasion de la sortie en salles de son nouveau film, la délicieuse comédie "Vers un avenir radieux". Un entretien durant lequel le réalisateur italien défend bec et ongles le cinéma.

Nanni Moretti est de retour avec l’excellente comédie douce-amère Vers un avenir radieux, qui le voit se glisser dans la peau de Giovanni, cinéaste renommé qui s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, il va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux.

A l’occasion de la sortie en salles de Vers un avenir radieux, présenté en Compétition lors du dernier Festival de Cannes, AlloCiné a rencontré Nanni Moretti. A notre micro, le cinéaste transalpin évoque bien sûr son nouveau film, tourné dans les légendaires studios romains de Cinecittà, mais défend également farouchement le septième art. “Les plateformes, c’est pour les séries. Les films doivent se faire pour le cinéma”, lâche-t-il comme un cri du coeur.

Vers un avenir radieux

Sortie :

28 juin 2023

|
1h 35min

De
Nanni Moretti

Avec
Nanni Moretti,
Margherita Buy,
Silvio Orlando

Presse
3,9

Spectateurs
3,3

Séances (444)

AlloCiné : Comment vous est venue l’idée de “Vers un avenir radieux”, film pour lequel vous renouez avec une veine semi-autobiographique ?

Nanni Moretti : A l’origine, la première idée, c’était de faire un film sur l’année 1956. Comme on n’y arrivait pas, on a travaillé sur un autre projet qui était Tre Piani. Une fois Tre Piani bouclé, j’ai décidé de demander à mes scénaristes de revenir sur ce film autour de l’année 1956. Mais je leur ai dit que je voulais un peu de changement…

Pour Vers un avenir radieux, je voulais raconter la vie d’un cinéaste en train de réaliser un film sur cette année 1956. Une fois qu’on a décidé que c’était moi qui allait jouer ce cinéaste, j’ai donné au personnage des caractéristiques qui sont les miennes. Ca m’a semblé naturel de le faire.

AlloCiné : Si on définit “Vers un avenir radieux” comme une comédie douce-amère, avec de la folie, de la nostalgie, un côté mordant et désabusé, qui parle de la vie avec ironie, est-ce que ça vous convient ?

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C’est le pari que j’ai fait avec ce film, comme avec beaucoup de films. Faire exister dans le même espace des tons différents, qui sont ceux de la comédie, de la souffrance… Faire également coexister un style réaliste et un style qui ne l’est pas. Tout en entrelaçant différentes histoires de films que je fais et que je projette de faire. Et tout en ajoutant des éléments de ma vie.

AlloCiné : Dans “Vers un avenir radieux”, il y a une scène géniale dans laquelle vous rencontrez Netflix pour vendre votre film. On sent que les plateformes de streaming, ce n’est pas franchement votre tasse de thé…

C’est une autre manière de voir des films, un autre rapport avec le spectateur. Quand, il y a quelques années, j’ai vu dans un journal que Martin Scorsese était en train de faire un film pour Netflix, en l’occurrence The Irishman, j’en ai éprouvé de la souffrance.

Les plateformes, c’est pour les séries. Les films doivent se faire pour le cinéma. Tant qu’il y aura des cinémas ouverts, je ferai des films pour le cinéma. Quand j’écris un film, je ne peux pas imaginer que je l’écris pour un gamin de 14 ans en train de le regarder sur son téléphone portable. Ca ne me vient pas à l’esprit.

Si des plateformes veulent financer un de mes films, si elles veulent participer à la production, ok, tant qu’ils ne me cassent pas les c*****. Mais moi, les films, je les fait pour le cinéma. Je crois qu’un film vu au cinéma et un film vu à la télévision, ce n’est pas du tout la même chose. Il y a des films qu’on voit au cinéma dont on sort gratifié, rempli… Je pense qu’avec le cinéma, il y a quelque chose de l’ordre de l’attention et de la tension.

Quand je pense à un film, je pense toujours à un public d’inconnus, qui ne se connaissent pas, plongés dans le noir, et qui voit des images plus grandes qu’eux. C’est toujours la pensée qui m’accompagne quand je prépare un film.

AlloCiné : Selon vous, l’avenir du cinéma est-il radieux ?

Je sais bien que de moins en moins de gens vont en salles et que la pandémie a donné un mauvais coup au cinéma. Mais moi, je fais mine de rien et je continue ma route, celle que j’ai parcourue depuis toujours.

Propos recueillis pas Clément Cuyer à Paris, le 22 juin 2023.