Présidentielle en Turquie : "Il y a eu une forme de trucage massif des élections", affirme Christophe Deloire, de Reporters sans frontières

“Il y a eu une forme de trucage massif des élections“, a affirmé lundi 29 mai sur franceinfo Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) au lendemain de la réélection pour cinq ans du président Recep Tayyip Erdogan. “Erdogan a fait de la Turquie un laboratoire de répression de la liberté de la presse”, estime Christophe Deloire qui a constaté que le président turc “a eu droit en avril à des passages à l’antenne 60 fois plus longs que le candidat d’opposition sur une chaîne publique”. Les partisans d’Erdogan doivent “se rendre compte à quel point il y a des formes de trucage”, ajoute le secrétaire général de RSF.

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franceinfo : Comment faut-il regarder les résultats de l’élection présidentielle en Turquie ?

Christophe Deloire : Les Turcs ont pu délibérer des défauts et des qualités de chacun des candidats. Mais c’est oublier qu’il y a une chose qui change la donne, c’est qu’il y a eu une forme de trucage massif. Et le trucage massif des élections, ça ne passe pas nécessairement par le bourrage des urnes. Ça peut passer par le contrôle du paysage médiatique. Et c’est ce qui se passe en Turquie où Erdogan, depuis le temps qu’il est au pouvoir, a fait de la Turquie un laboratoire de répression de la liberté de la presse par des moyens divers et variés, par l’incarcération massive des journalistes – encore aujourd’hui, il y en a 30 qui sont en prison, c’est dire si ça intimide les autres – par des procédures judiciaires arbitraires qui ont amené à la fermeture de médias d’opposition, par le rachat d’un des plus grands groupes de médias privés par un oligarque, un milliardaire dont il est extrêmement proche. Et puis par le fait de mettre à son service les médias publics. Sur la chaîne TRT Haber, la grande chaîne publique qui diffuse des informations, Erdogan a eu droit en avril à des passages à l’antenne 60 fois plus longs que le candidat d’opposition : 32 heures contre 32 minutes. Evidemment, tout ça porte atteinte à la sincérité du scrutin.

Comment s’est traduite cette relation d’Erdogan à la presse et aux médias avant le premier tour, et aussi dans l’entre-deux tours ?

C’est une politique de long terme. Les incarcérations ne sont pas nouvelles, même si au cours des derniers mois, il y a eu 32 incarcérations nouvelles de journalistes kurdes accusés d’appartenir au PKK, le mouvement indépendantiste considéré par Ankara comme terroriste. Sur les 32, seulement seize ont été relâchés. Le Haut Conseil audiovisuel, le RTUK, inflige des amendes astronomiques à des médias audiovisuels. 75 % de ces amendes sont infligées aux sept principales chaînes qui demeurent critiques. La législation antiterroriste, le code pénal, permettent de contourner les législations sur la presse.

Depuis 2014, il y a eu 200 journalistes en Turquie qui ont été poursuivis pour insultes envers le président Erdogan

Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières

à franceinfo

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